La croissance de nano structures par epitaxie par jets moléculaires (Visite des labos du CEA de GRENOBLE) .

 

 

 

I . Introduction

Les semiconducteurs sont très utilisés en électronique : ils sont à la base des transistors (invention des laboratoires BELL dans les années 50). Les techniques évoluant, la taille des transistors aussi. Cette taille est divisée par deux tous les 18 mois environ alors que la puissance des processeurs qui les intègre double dans le même délai (loi de Moore).

En fait ce n'est pas la taille mais l'épaisseur des couches semiconductrices qui diminue. Les semiconducteurs que nous allons voir sont obtenus par un procédé du nom d'épitaxie par jet moléculaire, méthode utilisée dans le laboratoire du CEA de Grenoble que nous avons visité (Equipe Mixte UJF-CEA-CNRS Nanophysique et Semiconducteurs), où les épaisseurs des différentes couches sont de l'ordre de 1Å ce qui de l'ordre de la taille d'un atome.

1 . Qu'est-ce qu'un semiconducteur ?

En électronique on différencie trois types de matérieux : les isolants, les conducteurs et les semiconducteurs.

Dans ces différents matériaux, les électrons de la couche externe de chaque atome participent aux liaisons atomiques : c'est la bande de valence. La conduction de l'électricité dans un matériau donné est caractérisée par le déplacement des charges qu'il contient en réponse à une tension qu'on lui applique. Pour avoir conduction de l'électricité il faut fournir assez d'énergie à ces électrons pour qu'ils franchissent la bande interdite qui sépare la bande de valence de la bande de conduction. Celle-ci est plus ou moins large suivant le matériau que l'on considère.

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Document 1 . Bandes interdites et bande de conduction dans différents matériaux

a . Dans les métaux la bande interdite n'existe pas et les électrons de valence peuvent se déplacer librement, la conduction est aisée.

b . Dans les isolants la bande interdite est très large et les électrons de valence forment des liaisons solides avec les atomes voisins, liaisons très difficiles à briser.

c . Dans les semiconducteurs la bande interdite n'est pas très large (de l'ordre de 1eV) et quelques liaisons sont brisées. Il y a donc une faible conduction mais tout de même conduction. Cette propriété des semiconducteurs dépend très largement de divers facteurs comme la température : à basse température, il ont un caractère plutôt isolant tandis qu'à haute température leur comportement se rapproche de celui des conducteurs.

2 . Les différents semiconducteurs .

Les semiconducteurs III-V (resp. II-VI) sont des corps composés : ils contiennent en proportion égale des éléments de la colonne III (resp. II) et des éléments de la colonne V (resp. VI) de la classification périodique.

On peut ainsi avoir des corps binaires (ex : ZnS, CdS, GaAs,...), ternaires (ex : GaAlAs,...) ou quaternaires. Ce type de variation est très important car il permet de déterminer la composition de tout alliage susceptible d'être déposé sur un substrat par épitaxie.

Parmi les semiconducteurs on distingue deux grandes catégories : les semiconducteurs intrinsèques et les semiconducteurs extrinsèques.

La conduction dans un matériau est le déplacement des charges électriques négatives réelles (électrons), qui engendre un déplacement de charge électriques positives fictives (trous ou lacunes) dans le sens opposé (sens conventionnel du courant).

Un semiconducteur est dit intrinsèque s'il possède très peu d'impureté : actuellement c'est le germanium Ga qui est le semiconducteur le plus pur que l'on sache fabriquer. La quantité d'électrons qui peuvent agir dans la conduction n'est fonction que de la température du semiconducteur intrinséque. C'est semiconducteurs ont peu d'applications pratiques (thermistances, capteurs,...).

Un semiconducteur est dit extrinsèque lorsqu'il contient des "impuretés", c'est impuretés pouvant apporter des électrons participant à la conduction (éléments de V° colonne comme P, on obtient alors un semiconducteur N) ou diminuant le nombre d'électrons participant à la conduction (éléments de III° colonne comme B, on obtient un semiconducteur de type P) : l'introduction de ces impuretés agit directement sur la bande interdite est donc sur le caractère résistif-conducteur d'un matériau semiconducteur. La concentration d'impureté caractérise le caractère semiconducteur du matériau extrinsèque. Ces matériaux on beaucoup plus d'application que les semiconducteurs intrinsèques (transistors, diodes,...).

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Document 2 . Schéma de semiconducteurs extrinsèques : type N (SiP) à gauche et type P (SiB) à droite

Mais les propriétés connues et maîtrisées des semiconducteurs sont des propriété "macroscopiques" ne concernant que des matériaux de dimension de l'ordre de 1µm et plus. Les propriétés de ces matériaux à l'échelle nanométrique sont mal connues et relève de la physique quantique : pour étudier ces propriétés il faut tout d'abord disposer de telles structures : c'est l'intérêt du procédé expérimental que l'on va voir, l'épitaxie par jet moléculaire.

 

II . Croissance de Nanostructures Semiconductrices par Epitaxie par Jet Moléculaire

Le principe de l'épitaxie par jet moléculaire est le suivant : on veut créer une certaine configuration de couches atomiques sur un substrat. Les atomes qui vont constituer ces couches sont bombardés sur le substrat (où ils vont se fixer) sous forme d'un flux gazeux à grande vitesse. On joue sur l'alternance des atomes émis et sur le temps d'exposition du substrat au flux pour créer la nanostructure désirée.

La croissance de nano structures par épitaxie par jet moléculaire se fait en trois étapes.

 

La première étape est la préparation du substrat.

Le substrat est poli à une monocouche atomique près. Ce substrat est fixé sur un support à l'aide d'un métal liquide qui fait office de colle, le substrat restera ainsi collé tout au long de la manipulation. Il faut nettoyer sa surface des impuretés tout d'abord en le chauffant et en l'oxydant. Pour le transporter jusqu'au dispositif d'épitaxie on le place dans un bain de méthanol afin de l'isoler des impuretés de l'air ambiant.

La seconde étape consiste dans le transfert du substrat jusqu'à la chambre d'épitaxie.

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Document 3 . schéma d'un module d'épitaxie (gauche) et vue d'ensemble d'un module d'épitaxie (droite)

En premier lieu, on introduit le substrat et son support dans la boîte à gant qui est sous atmosphère d'azote (qui est un gaz inerte). Dans cette première chambre on retire le substrat de la solution de méthanol.

Ensuite le substrat passe dans la chambre d'introduction. Il s'agit en fait d'un premier sas dans lequel on fait un vide poussé. Quand le vide est satisfaisant on transfert le cristal dans le module de recuit où il sera chauffé à 300°C, ce qui facilitera le dépôt des couches atomiques sur sa surface.

Du module de recuit on l'introduit dans le module de transfert. On refait un vide encore plus poussé que dans la chambre d'introduction (c'est un second et dernier sas avant la chambre d'épitaxie). Lorsque le vide souhaité est atteint le substrat passe dans la chambre d'épitaxie.

La troisième et dernière étape est la croissante moléculaire.

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Document 4 . Schéma d'une chambre d'épitaxie (gauche) et vue en coupe d'une chambre d'épitaxie (droite)

Dans la chambre d'épitaxie le substrat est placé sur le manipulateur d'échantillon.

Avant le début de la manipulation on crée un ultravide ( P = 10-11mbar) de façon à ce que le flux moléculaire ne soit pas perturbé. Les parois sont refroidies à l'azote liquide afin de fixer les dernières impuretés volatiles. Après ces étapes intermédiaires on commence le dépôt des couches atomiques.

Pour créer les flux moléculaires on utilise des cellules d'effusion contenant les différents éléments qui constitueront les couches du semi-conducteur.

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Document 5 . Schéma de fonctionnement d'une cellule d'effusion

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Document 6 . Photographie d'une cellule d'effusion

A partir de la loi des gaz parfaits on peut faire une estimation de la vitesse des atomes du flux en fonction de la température de la cellule d'effusion : 0x01 graphic
(C une constante caractéristique des atomes, T la température de la cellule d'effusion). Le flux moléculaire arrivant sur le substrat est fonction de cette vitesse de la pression dans la chambre d'épitaxie. On peut donc influer sur le nombre d'atomes incident en jouant sur la température de la cellule d'effusion. Dans le cas de l'ultravide à P = 10-11mbar et d'un vitesse des atomes de 1000 cm.s-1 ( T de l'ordre de 300K) ce flux correspond au dépôt de 10-3 monocouche par seconde.

Mais ceci n'est qu'une estimation : pour obtenir le nombre exact de monocouches déposées on utilise le système RHEED (R... High Energy Electron Diffraction). Ce système consiste en une canon à électrons qu'on utilise pour bombarder le substrat. Les électrons sont diffractés sur un écran fluorescent qui fait face au canon à électrons. L'intensité de la raie centrale de la figure de diffraction dépend de la configuration de la surface du substrat : plus cette configuration est homogène plus l'intensité est forte.

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Document 7 . Schéma de diffraction des électrons (gauche) et figure de diffraction obtenue par un système type RHEED sur une surface GaAS (droite)

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Document 8 . Evolution de l'intensité de la raie centrale de la figure de diffraction, lue sur l'écran fluorescent d'un système RHEED, en fonction de la configuration de la surface analysée.

Cette méthode permet de contrôler précisément le nombre de couches déposées sur le substrat et d'agir en conséquence sur les cellules d'effusion (fermeture du cache mécanique).

Lorsqu'on a atteint le nombre de couches voulues on arrête le flux de la cellule d'effusion grâce à un cache mécanique qui est placé devant celle-ci. Après avoir réalisé la configuration souhaitée on sort le substrat en passant par la chambre de transfert, la chambre d'introduction puis la boîte à gant.

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Document 9 . Exemple de structures nanométriques vue au microscope électronique. A gauche des fils quantiques (GaAs entourés de GaAlAs) de dimension 7nm x 7nm, à droite des boîtes quantiques (InAs entourés de GaAs) de dimension 18nm x 18nm x 4,5nm.

Cette méthode permet donc de créer des nano structures semi-conductrices (intrinsèques ou extrinsèques) dont on étudie les propriétés.

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Document 10 . Vue d'ensemble de la chambre d'épitaxie (et des différents composés utilisés) visitée

élément à diffuser (solide)

intérieur de la chambre d'épitaxie

système de chauffage

substrat

cellule d'effusion

molécules gazeuses

 

 

N.B : Ce compte rendu a été réalisé par des élèves de Deug SMa 2ème année à l'Université Joseph Fourrier de Grenoble suite à la visite des labos de nanostructures au CEA de Grenoble .

 

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